Peur du nucléaire

 

 Un accident nucléaire, quel qu'il soit, n'est jamais mineur à cause des conséquences qui en découlent en cas de scénario catastrophe.

Face à de telles situations, quelle est notre réaction?

Curieusement, très vite le tourbillon médiatique nous emporte loin de la compassion pour les sinistrés de cet accident, et loin de l'évaluation réelle du risque qui nous concerne.

 

 

 L'accident, ou plutôt les accidents à Fukushima Daiichi ont gommé les incidents sur les autres installations nucléaires qui ont suivi les séismes de Nanto-Tohoku depuis le 11 mars 2011.

Pour tous les réacteurs incriminés, la situation a été plus ou moins rapidement contrôlée, ou est passée à un état stationnaire qui écarte le risque de catastrophe totale.

 

 Cependant il faut bien comprendre que plus le temps passe et plus la proportion de neutrons actifs diminue, et donc plus le risque s'éloigne. A l'inverse, cesser complètement le refroidissement conduirait inexorablement à un échauffement progressif et pourrait ramener, après une durée qui dépend de l'état d'activité initial, à une situation critique. C'est cette durée qui est depuis le début de l'incident à prendre en compte pour une évaluation du risque.

Tchernobyl
 
 Il aurait fallu rappeler qu'à Tchernobyl les erreurs des opérateurs qui ont amené un réacteur fonctionnant normalement à une catastrophe subite, se sont succédées pendant seulement 20mn et que cela a amené le réacteur, barres de régulation placées à seulement 20%, à une situation d'emballement en surpuissance et à une explosion en moins d'une minute! Le réacteur, seulement surmonté d'une dalle de béton de 1200T s'est retrouvé à ciel ouvert. Les barres de graphite se sont enflammées, le coeur a fondu. Les opérateurs ont, sur ordre, continué pendant une journée des opérations totalement inadaptées. Le coeur a fini par descendre dans le batiment
 
Les conséquences ont évidemment été terribles. Elles ont été énormes sur le plan humain, et ce bilan reste encore aujourd'hui mal évalué.
 
Il reste aussi, et pour longtemps, une importante zone qui exclue toute vie humaine normale, même si quelques rares personnes y vivent aujourd'hui

 

 Three Miles Island
 
La référence à Three Miles Island est un scénario plus semblable, mais encore différent: Suite à un arrêt de pompes de refroidissement du circuit secondaire, le réacteur s'est mis en sécurité et les barres de contrôle introduites dans les combustibles. La suite est notablement différente des réacteurs de Fukushima. A Three Miles Island, une succession d'incidents et d'incohérences se sont déroulées suite à des dysfonctionnements des équipements. Au bout de 5mn, le circuit de sécurité de refroidissement primaire a été stoppé et une vanne de secours du circuit générateur de vapeur qui était fermée au lieu d'être ouverte n'a été ouverte que 3mn plus tard. A 15mn les membranes d'éclatement du circuit primaire en cas de surpression ont éclatées et l'eau du réacteur a envahi l'enceinte de confinement. A 2h 20mn, les opérateurs ont commencé à comprendre ce qui se passait et ont repris la main. Ils ont forcé le refroidissement pour noyer les combustibles au risque de provoquer un très fort dégagement de vapeur et d'hydrogène et d'avoir une explosion. Heureusement, le réacteur a encaissé la surpression, et 4h après l'incident la situation a fini par se stabiliser. On saura, 4 ans plus tard, quand le réacteur a pu être inspecté, qu'il y a eu fusion du coeur avec formation de Corium, mais que la masse radio-active est restée dans le réacteur

 On voit ainsi que sur des situations de catastrophe, le risque réel ne peut s'appréhender qu'en considération de données objectives et non subjectives. Avec cette expérience, on comprend aussi la réticence des spécialistes et de TEPCO à provoquer un noyage massif du réacteur.

Pour l'instant, ils ont évité le pire et dans une situation complexe et très difficile, ils ne semblent pas avoir pris de décisions aggravantes, mais bien des choix de sauvegarde.

 

 Il est évident qu'il y a eu, et pas seulement en France, des informations incomplètes, parfois erronnées, et de nombreuses désinformations. L'assimilation à Tchernobyl qui a pu être faite, directement, ou indirectement, témoigne d'une méconnaissance du sujet ou de volonté de désinformation.

Nous aurions attendu plus d'informations avec des explications didactiques pour le grand public, montrant les vrais risques encourus, autant proche de la centrale, qu'en France. Au lieu de cela, nous avons été baigné de catastrophisme.

Mesures de radiations en dehors de la zone d'exclusion, par l'AIEA, ci-dessus, et par Green Peace, ci-contre.
Les habits ne protègent pas des radiations, mais de la contamination, avec un effet médiatique des images bien différent.

 

 La peur du nucléaire, c'est comme la peur du noir, ou la peur de l'avion, etc...  L' expression bien populaire "la peur n'écarte pas le danger", est, hélas, trop souvent vérifiée. La peur fait parfois croire à un danger qui n'existe pas. Une information  correcte et suffisante aurait évité que quelques français se précipitent pour acheter et prendre des cachets d'iode.
Ne pas être en situation de peur n'empêche pas d'avoir la crainte des conséquences, et de percevoir la nature du danger; mieux, cela permet de l'analyser pour l'écarter lorsque c'est nécessaire et en notre pouvoir.

 

 Comme tout le monde, j'ai craint, et je continue de craindre les conséquences pour les japonais les plus concernés par l'accident de Fukushima Daiichi. On peut dire aussi qu'avec trois réacteurs, plus les piscines, le risque est d'autant multiplié.

Ai-je à craindre pour moi-même des conséquences de l'accident de Fukushima Daiichi?
La réponse est clairement non.

 Ensuite, il y a l'appréhension que l'on peut avoir en passant sur une passerelle au dessus du vide, à rouler à vélo en ville, à faire du ski; il y a la crainte à prendre l'avion, à habiter à moins de 30km d'une centrale nucléaire comme c'est mon cas. Je comprends que des personnes puissent avoir l'une ou l'autre de ces peurs et non pas une simple appréhension. L'imagination dans notre esprit joue un très grand rôle. On joue avec la peur dans un film d'horreur, et pourtant nous savons que c'est une illusion.

 

 C'est pourquoi je suis opposé au catastrophisme que nous avons subi ces dernières semaines, avec des formules inadaptées  et des contenus erronés. Ce n'est pas une fiction ou un jeu!  Le plus surprenant est que des instances du nucléaire aient suivi cet élan. C'est l'effet anti-nuage. Comment s'y retrouver?

 Si je devais avoir peur du nucléaire, je démènagerais illico, car je ne conçois pas que l'on puisse vivre avec cette peur permanente.

 

  Ensuite, il reste la crainte d'un incident ou d'un accident nucléaire où qu'il soit. Je ne crois pas que la réponse à cette crainte soit le fatalisme, ou l'angélisme, ou le déni, ou la peur.